¶ Les prototypographes (1476-1479)
Toulouse est la troisième ville française à
disposer de ses propres ateliers typographiques. Strasbourg, alors terre
d'Empire, vit des imprimeurs allemands s'installer dès 1465, mais
c'est à Paris que revint l'honneur d'abriter la première
imprimerie sur le sol français. En 1470, Guillaume Fichet, bibliothécaire
de la prestigieuse Université de la Sorbonne et Jean Heynlin, firent
venir trois imprimeurs, Michael Friburger de Colmar, Ulrich Gering de Constance
et Martin Crantz de Stein dans le pays de Bade. Lyon eut enfin sa première
imprimerie un an avant Toulouse, en 1475.
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Les
premières imprimeries en France
Strasbourg |
Jean Mentelin |
1465
|
Poitiers |
J.Bouger
G.Bouchet |
1479
|
Paris |
Friburger, Gering
& Crantz |
1470
|
Caen |
J.Durandus
G.Quijoue |
1480
|
Lyon |
Barthélémy Buyer |
1475
|
Metz |
G.Villeneuve
J.Colini |
1482
|
Toulouse |
|
1476
|
Troyes |
|
1483
|
Anger |
Jean de la Tour
Jean Morel |
1476
|
Vienne |
P. Schench |
1484
|
Chablis |
Pierre le Rouge |
1478
|
Rennes |
|
1484
|
Les plus anciennes impressions connues de Toulouse datent donc
de 1476. Il s'agit du Speculum sapiente de Sanctus Cyrillus, du De ludo
scachorum du dominicain Jacques de Cessoles et du De fide decretalium,
une leçon de droit d'Andreas Barbatia. Le colophon de ce dernier
mentionne sobrement « Tholose est impressa. XII calendas julii MCCCCLXXVI
».
Pour aucun de ces ouvrages, l'imprimeur n'est mentionné,
mais il est vraisemblable qu'il s'agisse d'artisans typographes allemands,
originaires de Mayence et disciples de Fust et Schoffer, comme ce fut le
cas à Strasbourg, Paris et Lyon. Dans le cas du Fide, seul
est mentionné le monogramme 'MHDB' qui a été interprété
comme étant celui de Henri Turner, «Magister Henricus de Basilea».
Cet imprimeur de Bâle, avait dû fuir sa ville criblé
de dettes avant de s'installer à Toulouse. D'abord seul, puis avec
l'aide de Jean Parix, il va y imprimer des textes de droit, de Boèce
et quelques textes en espagnol.
Lui et ces pairs placés sous la protection du duc de Lavernode,
président du Parlement de Toulouse s'installèrent dans le
triangle Capitole, Saint Sernin et Saint Pierre des Cuisines. Ils doivent
faire face aux vives protestations des copistes et des négociants
traditionnels du livre manuscrit. Ceux-ci déposent le 16 septembre
1477 une requête devant les Capitouls pour se plaindre non seulement
de la concurrence, à leurs yeux déloyale, des imprimeurs
mais également du débauchage opéré par ces
derniers qui subornent chez eux leurs compagnons pour les faire travailler
à illustrer les livres imprimés.
Ce conservatisme ne peut cependant endiguer le phénomène
et dès la fin des années 1470, on peut rencontrer dans les
hostelleries toulousaines des courtiers en livres originaires d'Allemagne,
d'Italie, de Lyon ou de Paris, qui utilisent Toulouse comme relais vers
l'Espagne. C'est ainsi le cas du libraire et imprimeur lyonnais Barthélemy
Buyer qui accrédite en 1482 à Toulouse son « clerc
et serviteur » Jean Claret avant de s'adresser à Georges de
Bogne, libraire et relieur dans cette ville.
¶ Tolosa en Languedoc v/s Tolosa de Biscaye
Une controverse existe à propos des premiers livres imprimés
à Toulouse. Il existait en effet au XVe siècle une petite
ville de Biscaye, capitale du Guipuscoa, appelée Tolosa dont le
nom pouvait aisément ce confondre avec celui latin de l'ancienne
capitale du Languedoc, Tolosa ou Tholosa ainsi qu'on l'écrivait
jadis. De nombreux commentateurs se sont entre-déchirés,
défendant l'une au l'autre des deux cités.
Il semble toutefois qu'il faille pencher pour la thèse
de M. Desbarreaux- Bernard, qui dans un Extrait des Mémoires
de l'académie des sciences de Toulouse, réfutait les
positions du conservateur de la bibliothèque publique de Toulouse,
M. d'Alguedier qui dans son Histoire de Toulouse, plaidait la cause
de Tolosa d'Espagne. C'est que rien chez cette petite ville espagnole,
ni son importance commerciale, ni son influence culturelle, ne justifiait
la présence d'imprimeurs. De plus l'Inquisition, si hostile à
l'imprimerie, était implantée beaucoup plus efficacement
qu'en France, même dans ce midi soupçonné d'hérétisme.
De toute manière et pour en revenir au De fide instrumentorum,
il est à mentionner qu'aucun doute ne subiste quant à son
origine languedocienne, puisque Toulouse y est mentionné sous son
autre orthographe, Tholose.
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