¶ Toulouse dans le paysage typographique français
Globalement, les historiens et les bibliophiles ne semblent pas
avoir une très haute opinion des ouvrages publiés à
Toulouse au XVIe siècle. Trouvent toutefois grâce à
leurs yeux, l'Histoire toulousaine d'Antoine Noguier et le Vitruve,
tous deux imprimés par Guyon Boudeville, les Controverses des
sexes masculins et féminins de Gratian du Pont, imprimé
par Jacques Colomiès et l'Opus de Tholosanorum gestis de
Nicolas Bertrand, imprimé par Jean Grandjean.
Il faut dire que la production toulousaine est essentiellement
constituée de moyens et petits formats, voire même de plaquettes.
On y trouve de plus de nombreux documents officiels à l'intérêt
esthétique discutable: ordonnances royales, édits, lettres
patentes, arrêts du parlement, placards, etc...
C'est que mis à part Guyon Boudeville surtout et dans
une moindre mesure Jacques Colomiès, Jean Grandjean et Nicolas Vieillard,
les imprimeurs toulousains ont des moyens limités: caractères
peu variés, bien souvent usés, peu d'illustrations, inadaptées
et passées de mode et surtout manque de moyens financiers. Colomiès
dans son édition du Præludia... authore Petro Gregorio
tholosanon (1572), prévient ainsi son lecteur que la pénurie
de caractères grecs et hébreux limite son champ d'action.
Par ailleurs les bois sont souvent réemployés d'un ouvrage
à un autre. Tout ceci limite donc considérablement la portée
artistique des ouvrages toulousains, et l'édition de Vitruve
par Boudeville fait ainsi une bien pâle figure comparée aux
riches éditions lyonnaises et parisiennes.
Dans la plupart des cas, les autorités religieuses et
les auteurs reconnus préfèrent s'adresser à des imprimeurs
parisiens ou lyonnais. Les imprimeurs toulousains produisent donc surtout
des ouvres de professeur, des textes juridiques et des manuels pour la
Faculté de droit, leur premier client, ainsi que des ouvrages religieux
(livres liturgiques, manuels pour clercs, propagande clandestine protestante,
sermons).
L'Eglise toulousaine aura d'ailleurs souvent recours à
l'imprimerie. Les Cordeliers éditeront ainsi des prédications
d'Olivier Maillart et de Thomas Illyricus, afin de toucher le plus de monde
possible. En revanche, on trouve peu d'ouvrages scientifiques ou de poésie,
exceptés quelques auteurs couronnés aux Jeux Floraux, Marguerite
de Navarre qui sera publiée par Boudeville, et quelques tragédiens
chez Garnier et Jagoult.
Face
à l'hégémonie parisienne, les métropoles provinciales
françaises ont bien du mal à défendre leurs positions.
A Toulouse, les Colomiès, les Boudeville et les Bosc en sont le
plus souvent réduit à éditer des ouvrages d'intérêt
local ou régional. En 1515, Jean Grandjean édite l'ouvrage
de Nicolas Bertrand, Opus de Tholosanorum gestis. Orné de
deux remarquables gravures représentant sur la page de titre une
séance solennelle du parlement de Toulouse, et la dernière
page la plus ancienne vue de la ville d'après nature. Le livre sera
traduit en français et édité en 1517 par l'imprimeur
lyonnais Olivier Arrollet pour le libraire toulousain Antoine Leblanc,
puis réimprimé en 1555 par Jacques Colomiès.
En 1539, Nicolas Vieillard imprime les Anales de Foix
de Guillaume de la Perrière, livre abondamment illustré de
portraits et d'armoiries qui dénotent le développement en
matière d'illustrations d'un style original, qui se démarque
du goût lyonnais alors très influent à Toulouse. Toujours
dans la même veine, il imprime en 1540, l'Historia fuxensium
de Bertrand Helie. La première monographie sur Toulouse sera l'ouvre
du chroniqueur-poète Antoine Noguier. Cette commande des Capitouls
sera imprimée en 1556 par Boudeville.
Sont imprimés également à Toulouse des ouvrages
en langue d'oc, tels le Doctrinal de sapiensa en lo lentguatge de Tholosa
de Guy de Royes (Jean Grandjean, 1504), les Poesias gasconas de Pey
de Garros (Jacques Colomiès, 1567) ou les Joyeuses recherches
de la langue tolosaine (Jacques II Colomiès, 1578).
La
production toulousaine de livres au XVIe siècle

A la fin du siècle, Toulouse est toutefois encore la quatrième
ville du royaume en matière de librairie, derrière Paris,
Lyon et Rouen, même si elle a connu un net déclin à
partir de 1569. On mesure l'importance de Toulouse au nombre d'institutions
plus ou moins lontaines, qui par le truchement des libraires installés
dans leur ville, ont fait appel à ses imprimeurs: l'évéché
d'Albi pour des statuts synodaux, un marchand de Limoux pour l'ouvre d'un
Dominicain du crû, le chapitre de Carcassonne pour le Bréviaire
de la cathédrale, les Carmes de Castelsarrasin pour des indulgences,
sollicitent les Colomiès auxquels il arrive même de se rendre
sur place (1529-1566, cf supra). Le seul ouvrage portant le nom d'un libraire
de Castres est l'ouvre de Jean Faure (1519). Eustache Mareschal qui imprima
à Pamiers en 1522, travaillait auparavent à Toulouse, de
même que Jean de Guerlins qui imprima entre 1513 et 1521 à
Lagrasse, Saint-Pont de Thomières, et peut-être à Montauban.
Les
considérations des quatre mondes,
Lyon
& Toulouse, 1552
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Mais la réciproque est également parfois vraie.
C'est ainsi que Jean Perrin et Jean Mounier, tous les deux libraires à
Toulouse, feront imprimer Les considérations des quatre mondes
du prolifique toulousain Guillaume de la Perrière à Lyon
chez Macé Bonhomme. Par ailleurs, les Lyonnais démarchent
activement le marché toulousain. Ainsi, Johann Schabler, imprimeur
lyonnais, originaire de Souabe, confia à Pierre Parmentier le soin
de prospecter vers 1520 le midi de la France. Vers 1536, ce dernier créera
deux succursales, l'une à Avignon, l'autre à Toulouse. |
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