¶ Développement de l'imprimerie dans le
Midi
La première imprimerie du Languedoc, a été
fondée dans la ville d'Albi en 1481 par Jean Neumeister, un
ancien disciple de Gutenberg, qu'il avait quitté pour Rome en 1464.
En 1470, on le retrouve à Fulgino en Ombrie, financé par
le mécène Emiliano Orsini. Leur collaboration s'acheva en
1474 et Neumeister regagna Mayence, où il publia en 1479, la première
édition illustrée des Meditations de Terrecremata.
Meditationes
de Johannes de Turrecremata,
imprimé
par Neumeister, 17 nov. 1481
Célèbre
pour ses 33 gravures
déjà
utilisées à Mayence en 1479
|
Il prend alors la route de Toulouse et s'arrête à
Albi sur l'insistance de l'évêque du lieu, Louis d'Amboise,
grand protecteur des arts, surtout connu pour avoir fait achever la cathédrale.
Malgré le peu de moyens dont il dispose, Neumeister publiera en
1481, De amoris remedio un petit opuscule moral d'Aenas Sylvius,
l'Historia septem sapientum et surtout une réédition
des Meditationes de Mayence (17 novembre 1481). Il imprimera en
tout et pour tout treize ouvrages avant de quitter Albi pour Lyon, à
la suite au décès de son protecteur en août 1483. |
Son expérience ne connaîtra pas de lendemain à
Albi, et les libraires de cette ville devront faire imprimer leurs éditions
à Toulouse ou à Limoges. C'est ainsi que les libraires Pierre
Rossignol et Jean Richard auront recours aux services de Jacques Colomiès,
le premier pour une Vie et légende de Mme saincte Febronie
et le second pour divers ouvrages entre 1532 et 1533.
L'expansion
de l'imprimerie dans le Midi
Albi |
1480
|
Agen |
1524
|
Montpellier |
1500
|
Auch |
1533
|
Perpignan |
1502
|
Castelsarasin |
1534
|
Lagrosse (Aude) |
1513
|
Carcassonne |
1538
|
Montauban |
1518
|
Lescars |
1541
|
Castres |
1519
|
Cahors |
1549
|
Castelnaudary |
1519
|
Pau |
1552
|
A Montauban, c'est un imprimeur nomade de Limoges Paul Berton,
qui édite en 1518 un Titulus libri cunubula omnium fere scientiarum
de Jean Dolz del Castellar. En 1526, le libraire de cette ville, Gilbert
Grasset fait imprimer à Toulouse chez Antoine Maurin différents
ouvrages. Mais le premier atelier d'imprimerie à opérer réellement
à Montauban est celui de Louis Raubier en 1577 qui imprimera plus
de littérature militante d'actualité que d'ouvrages scolaires.
Son atelier sera repris vers la fin du siècle par Denis Haultin,
apparenté à la célèbre famille d'imprimeurs
de la Rochelle.
A Agen, Guillaume Reboul imprime des extraits des Epistoles
d'Horace. Son chef d'ouvre restera toutefois le Canti XI de Matteo
Bandello, imprimé en ayant recours à du matériel italien.
L'Italie exercera une influence très marquée sur les Agenais,
du fait de la présence d'évêques italiens dans la ville.
Toutefois, malgré la présence à partir de 1525 de
l'érudit Jules-César Scaliger, éminent latiniste,
Agen n'imprimera qu'une vingtaine d'ouvrages d'intérêt d'ailleurs
mineur.
A Montpellier, et malgré la présence comme à
Toulouse d'une université importante (faculté de médecine),
l'imprimerie ne connut qu'un faible développement. Les professeurs
et les étudiants de cette ville faisaient venir de Lyon ou d'Italie
les ouvrages savants qui leur était nécessaires. L'arrivée
tardive de Jean Guillet en 1595 ne modifia guère cet état
de choses, si l'on en juge par l'ensemble de son confrère nîmois
Sébastien Jaquy qui s'était spécialisé dans
cette ville à partir de 1578, dans la publication d'actes locaux,
de thèses et d'ouvrages de propagande protestante.
En fait, dans toutes ces petites villes, les imprimeurs ne sont
que de passage et n'y produisent qu'un ou deux ouvrages. C'est ainsi le
cas de Jacques Colomiès qui imprimera dans la petite ville de Lescars,
un Breviarium ad usum ecclesie Lescurrensis en 1541. Cahors sera
un peu mieux lotie, puisque vingt-neuf livres seront édités
dans cette ville grâce entre autre à l'imprimeur Jacques Rousseau
(1585). La présence à Castelnaudary d'un imprimeur n'est
connue qu'à travers un document d'archives, mais un Missel a bien
été imprimé à Narbonne en 1572. Enfin à
Auch, l'activité typographique se résume à l'impression
en 1533, d'un Bréviaire par un imprimeur nomade.
Nombre
de livres imprimés
dans
les grandes villes du midi au XVIe siècle
Montauban |
45
|
Castelsarrasin |
2
|
Cahors |
29
|
Carcassonne |
1
|
Agen |
22
|
Castelnaudary |
1
|
Albi |
11
|
Narbonne |
1
|
Auch |
2
|
Castres |
1
|
Finalement, la production de livres dans les petites villes du
Midi est somme toute marginale. Au cours du XVIe siècle seront ainsi
imprimés quelques 115 ouvrages, soit à peine le septième
de la production toulousaine, qui se monte pour la même période
à 801 ouvrages.
Statuts
synodaux du diocèse de Rodez,
imprimé
ca 1550 par Jean Mottier à Rodez
¶ La Réforme et l'imprimerie en Languedoc
Le XVIe siècle est marqué profondément par
les controverses souvent vives qui vont opposer Catholiques et Protestants,
controverses bien évidemment reprises par les imprimeurs qui vont
éditer leurs champions. La Réforme va ainsi opposer Toulouse,
bastion catholique depuis sa reprise en main par les ordres religieux (Jésuites
et Dominicains), aux petites villes du Midi, telles que Bergerac, Montauban,
Castres, Montpellier et Nîmes, toutes acquises aux Protestants.
En 1546, Thomas du Fert imprime à Toulouse une Epistre...
contenant la perfection chrestienne. Cet ouvrage sera censuré
comme ouvrage hérétique en 1551, dans une réédition
lyonnaise. A l'époque, les imprimeurs protestants sont surtout localisés
à Montpellier et Montauban. Dans cette dernière ville, capitale
méridionale de la Religion Prétendue Réformée,
l'imprimerie devient stable avec l'arrivée de Louis Rabier, imprimeur
du roi de Navarre, en 1577, année de création du collège
protestant.
1562 sera une année dramatique pour les Protestants toulousains.
Ils seront en effet expulsés de la ville. Le libraire Braconnier
sera pendu le 29 mai de cette année pour avoir diffusé des
ouvrages huguenots. En réaction, dès le milieu du siècle,
les Catholiques commencent à faire paraître à Toulouse
des ouvrages orthodoxes.
Jacques puis Arnaud et Jacques II Colomiès, défenseurs
du catholicisme romain le plus intransigeant (ils prendront ainsi le parti
pendant les guerres de religion du Parti catholique et de la Ligue dont
ils seront les correspondants régionaux), ont ainsi publié
les ouvres de polémistes catholiques locaux: Esprit Rotier, inquisiteur
de la Foi et doyen de la Faculté de théologie de Toulouse,
Melchior de Flavin, prédicateur catholique,... En 1562, Jacques
Colomiès donne un Hugoneorum hæreticorum Tholosæ
conjuratorum profligatio du jurisconsulte toulousain Georgio Bosqueto,
livre qui décrit la défaite des Huguenots chassés
de Toulouse cette année là, et qui sera brûlé
en 1563 dans le cadre la politique d'apaisement du roi. Toujours en 1562,
il imprime une adaptation de Jean Fournier d'un récit de Bernard
Gui de la croisade des Albigeois intitulée Histoire des guerres
faictes en plusieurs lieux de la France tant en Guienne et Languedoc que
ailleurs contre certains ennemis de la couronne. Ses fils publieront
en 1588, une traduction de l'Historia albigiensium de Pierre des
Vaux de Cerney, sous le titre d'Histoire des Albigeois et gestes de
noble Simon de Montfort.
De nombreux manuels catholiques sont également publiés
par les autorités épiscopales. Mais Toulouse, est déjà
plus un lieu de réimpression qu'un centre novateur. Paris et Lyon
mènent en effet la compétition des éditions de livres
religieux. Ainsi, le Cathéchisme du père jésuite
Auger, fera l'objet d'une réimpression à Toulouse, mais Paris
en aura six, Lyon quatre et Bordeaux une. En 1593, sont ainsi imprimés
une édition de Sub signo nominis Jesu, les Exercices
d'Ignace de Loyola ou encore le Directorium d'Acquaviva, prélude
à l'action spirituelle de la Compagnie de Jésus.
Par ailleurs, les libraires toulousains «importent»
massivement les livres qui ne sont pas imprimés sur place; ainsi
Pierre Jagourt et Bernard Carles, se feront les correspondants du célèbre
imprimeur catholique d'Anvers, Christophe Plantin dans les années
1590.
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